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Dormir avec mon chiot la première nuit ?

« Surtout, il faut que ton chiot dorme seul dès le début, sinon il va développer de l’hyper-attachement! »: conseil si répandu et pourrtant si problématique. Pourquoi? Voilà quelques unes des raisons…

  • Le chien est une espèce sociale et un « dormeur social »: il aime dormir en groupe. S’il est capable d’apprendre à dormir seul et isolé, c’est une compétence à lui apprendre progressivement: c’est normal si ce n’est pas « naturel » chez lui au début… encore moins pour un chiot !
  • Le moment de l’adoption est un changement drastique dans la vie de votre chiot: il quitte sa mère, sa portée, ses éleveurs, l’environnement dans lequel il a grandi, les odeurs qu’il connaît, la chaleur… Il se retrouve chez de nouveaux « extraterrestres » et il est censé dormir seul, sans présence ni chaleur, dans un environnement complètement inconnu ? Laissez lui le temps d’atterrir avant de lui apprendre à dormir seul si c’est votre souhait. Il faudra le faire petit à petit, en éloignant progressivement son panier de votre lit par exemple, où en vous éloignant progressivement de son couchage.
  • « Oui mais s’il s’habitue après, il ne saura pas rester seul »… La solitude est un apprentissage, cet apprentissage inclut également le fait de savoir dormir seul la nuit. Si le chiot vit dès les premiers jours une mauvaise expérience seul la nuit dans votre environnement, il va apprendre que la solitude dans cet environnement est un moment désagréable, et que personne ne vient l’aider. C’est prendre le risque que le chiot développe une sensibilité à la solitude/ séparation, ou des difficultés de gestion émotionnelle plus globales (mauvaise capacité de résilience face au stress etc). Le risque n’en vaut pas la peine: on peut et on sait faire mieux.
  • Dans les études faites à ce sujet, le fait de dormir avec le gardien n’était pas associé aux problèmes liés à la séparation. Concrètement cela veut dire que dormir avec son chien ne crée pas de difficultés à rester seul; et que ne pas dormir avec son chien ne prévient pas l’apparition des problèmes liés à la séparation. Cela peut même améliorer la qualité de son sommeil, renforcer le lien d’attachement entre vous et donc… créer un terrain favorable à une bonne gestion de la solitude par la suite.
  • « L’hyper-attachement » n’a pas de définition fiable et n’est pas mesurable. On ne peut donc pas prouver qu’il existe. Un lien d’attachement n’est jamais « trop » fort: il peut être sécurisant/ sécurisé, insécurisant/ insécurisé, ambivalent, évitant… Le but est de créer un lien d’attachement sécurisé pour que vous soyez une base sécurisante rassurante pour votre chiot qui lui permette de devenir autonome, prendre le large et … rester seul sereinement. Ce qui ne sera pas le cas si il apprend que sa figure d’attachement le laisser hurler la nuit.

En résumé

Si on résume: plus votre chiot est sécurisé dans son environnement, ses expériences, sa relation avec vous, plus il sera capable de devenir autonome et d’apprendre à rester seul. Plus votre chiot est stressé, insécure dans son environnement, ou si ses appels à l’aide sont ignorés, moins il sera autonome et plus il risque d’être sensible à la séparation (vous colle, est vigilant à vos mouvements etc).

Il faut donc bien que votre chiot s’attache à vous de manière sécurisée pour qu’il puisse prendre le large en second lieu. Dormir avec lui les premiers jours (ou toujours) ne créera donc pas de difficultés à rester seul, bien au contraire.

Que mettre en place pour l’aider ?

Phase de décompression impérative : éviter la sur-stimulation les premières semaines en valorisant le calme, le sommeil, les balades « reniflage », l’enrichissement… Ne pas en faire trop dans la « socialisation »: valoriser la qualité sur la quantité. Ne pas oublier que la neutralité/ la banalisation fait également partie du travail de socialisation: le chiot n’est pas obligé de faire des « associations positives » avec tout ce qu’il rencontre (cela pourrait créer d’autres problèmes).

Restez près de lui les premières nuits: dormir avec son chiot à son arrivée ne crée pas de problèmes avec la solitude: au contraire cela le sécurise dans son environnement. Si vous ne voulez pas dormir avec lui plus tard, c’est ok: vous l’éloignerez progressivement quand il sera détendu. Vous pouvez par exemple placer son panier à côté de vous, puis au pied du lit, puis plus loin dans la chambre, puis sur le palier de la porte (porte ouverte) puis sur le palier de la porte (barrière bébé fermée) puis de plus en plus loin, puis porte fermée… Petit à petit (une même étape sur plusieurs jours).

Sécuriser le dans son nouvel environnement: laissez le découvrir la maison à son rythme, offrez lui des lieux de couchage au calme, respectez ses moments de sommeil, valorisez une routine stable et cohérente, limitez les mauvaises expériences dans ce nouveau lieu.

Créer du lien, un attachement sécurisé: passez du bon temps avec lui, apprenez à respecter ses limites/ ses peurs, aidez le quand il est en difficulté, comblez ses besoins, donnez lui de la distance et du temps pour observer et intégrer les informations en balade… Devenez son phare dans la tempête, son QG de sécurité pour qu’il gagne progressivement en confiance et en autonomie.

Apprenez à lire son langage corporel: observez votre chien au quotidien. Quel est son langage corporel quand il stress? mange? joue? apprenez à reconnaître ce qu’il aime, qui lui fait peur, le rassure : cela sera crucial pour évaluer sa sensibilité à la solitude.

Diversifiez ses figures d’attachement: si vous êtes plusieurs dans le foyer, faites en sorte que tout le monde s’investisse dans la vie du chien (nourrissage, promenade, jeu). Le but étant de lui montrer qu’il est en sécurité avec plusieurs personnes et pas qu’avec une seule. Si vous êtes seul.e: faites participer vos ami.es ou vos voisin !

Prévoyez des solutions de garde: il est possible que pendant les premières semaines votre chien ne sache pas rester seul. Faites en sorte d’avoir des solutions de garde sous le coude pour ne pas l’exposer à la solitude plus longtemps qu’il ne le tolère pendant l’apprentissage. Lui faire vivre une expérience négative/ traumatisante empirerait la situation !

Faîtes un apprentissage très progressif de la solitude: à l’aide d’une caméra de surveillance et sans nourriture, observez son langage corporel pendant que vous banalisez vos mouvements, vos disparitions du champ de vision, vos passages de porte/ barrière bébé. Les chiots n’ont pas forcément conscience que votre disparition du champ de vision ne veut pas dire que vous avez disparu à tout jamais (permanence de l’objet). Il faut donc leur apprendre petit à petit que dès que vous disparaissez, vous revenez (un peu comme un cache cache!). On sort d’une pièce/ par la portée d’entrée, on revient de suite… puis on augmente peu à peu la durée pour construire un apprentissage fiable. Le but est de banaliser votre absence donc privilégiez ce type d’exercice à des moments où votre chiot est déjà calme/ posé (sans être profondément endormi). Il faut toujours revenir avant que le chiot ne montre un signe de vigilance/ inquiétude.

Progressez à son rythme et répétez: le but de l’apprentissage est d’associer vos départs à des émotions neutres/ relax. Cela demandera de rester sous le seuil de tolérance du chien, et de répéter de nombreuses fois !

Mettez vous à sa place: on sous-estime l’impact qu’une adoption peut avoir dans la vie d’un chiot: cela peut être parfois vécu comme un choc. Imaginez votre réaction si vous vous faisiez adopter par des extra terrestres qui ne parlent pas votre langue, que vous ne connaissez pas et qui vous laissent directement seuls et enfermés à double tour dans un endroit qui vous intimide !


Ne paniquez pas !

Encore trop de retours à l’adoption : c’est normal si votre chiot, dans les premières semaines post adoption et à un certain degré, vous suit partout, n’aime pas être dans une autre pièce, ne sait pas rester seul… il va progressivement se détendre et vous allez lui montrer qu’il n’y a rien à craindre ! Nous avons (sociétalement et culturellement) des attentes surréalistes envers la cohabitation avec un chiot de 2 mois: il est fort probable qu’il ne puisse pas immédiatement rester seul sur des journées de travail entières.

Faîtes vous accompagner par un professionnel à jour dans ses connaissances. Si vous remarquez une sensibilité exacerbée à la solitude, ou que vous n’y arrivez pas: contactez un professionnel spécialisé dans ces problématiques . Il est possible que malgré tout, votre chien souffre d’un problème lié à la séparation.

Références



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Anaïs Dethou – Consultante en comportement canin (spécialisée dans les problèmes liés à la séparation)

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