Les comportements liés à la séparation sont normaux chez le chien
Comportements vs. Problèmes liés à la séparation
Les comportements liés à la séparation et les problèmes liés à la séparation sont deux choses différentes. Les comportements liés à la séparation sont normaux chez le chien et propres à l’espèce.
Ils deviennent des problèmes sous l’influence de multiples facteurs et causes encore méconnues (expériences de début de vie, stress pré et post natal, influences génétiques, facteurs environnementaux, qualité de la socialisation, mauvaises expériences/ traumatismes…) Quand ces comportements apparaissent à une intensité et une fréquence importantes, ils deviennent « inadaptés » à notre vie d’humains ou « pathologiques. »
Voyons cela de plus près :
Comportements liés à la séparations & Lien d’attachement
Pleurer, suivre partout, coller, s’agiter au moment du départ/ de la séparation, vocaliser quand pas accès à… Ces comportements visent à restaurer la proximité/ le contact quand le chien/ l’enfant est séparé de sa figure d’attachement (Ainsworth & Bell, 1981; Bowlby, 1958; Udell, 2021). Au moment de la séparation, le système comportemental lié à l’attachement s’active et enclenche les réponses de recherche de proximité ((Prato-Previde, 2003; Udell, 2021). Ces comportements apparaissent à partir du moment où il y a présence d’un lien d’attachement entre 2 individus.
L’attachement est un phénomène spatial, comme un pot de colle qui maintient la proximité/ le contact entre une mère et son enfant – un chien et son gardien (Topal, 1998; Parthasarathy, 2006). Dans des contextes expérimentaux (Strange situation test) un stress modéré au moment de la séparation entre le chien et son gardien dans un lieu inconnu est signe d’un attachement sécurisé (Topal, 1998; Thielke, 2017; Sipple, 2021; Udell, 2021).
Pourquoi ces comportements sont normaux ?
Ces comportements sont normaux chez l’espèce du chien familier et pour plusieurs raisons:
- d’un point de vue éthologique, ces comportements ont une fonction évolutionniste car ils garantissent la survie du chiot (contre la prédation et pour obtenir les ressources nécessaires de la part de la mère -nourriture, chaleur, réconfort) (Topal, 1998; Thielke, 2017; Sipple, 2021; Udell, 2021).
- d’un point de vue de l’histoire de la domestication de l’espèce, le lien humain-chien est devenu similaire à celui existant entre une mère et son enfant. Le chien est devenu dépendant de nous pour combler ses besoins primaires (Serpell, 1996; Payne, 2015; Sipple, 2021; Udell et al., 2016). Au fil de l’évolution, la sélection artificielle a valorisé les chiens les plus sociables envers l’humain. Ceci a augmenté leur dépendance envers nous et leur prédisposition à former des liens d’attachement / avoir des besoins sociaux envers leurs gardiens (Topal, 1998; Serpell, 1996; Sipple, 2021).
De plus, le chien est une espèce sociale qui n’est pas conçue pour naturellement apprécier la séparation/ solitude dans un lieu clos. C’est une compétence cruciale à lui apprendre progressivement. Un lien d’attachement de qualité entre le chien et son gardien est nécessaire pour que le chien développe une bonne résilience face au stress, qu’il s’adapte à nos environnements anthropogéniques, et qu’il apprenne à devenir + autonome (Topal, 1998; Prato-Previde 2003).
Comportements « normaux » vs. Comportements problématiques
Si ces comportements sont normaux, comment savoir où est la limite entre la normalité et ce qui va être « anormal »/ « inadapté » ?
La différence se trouve (entre autres) dans la persistance des comportements pendant l’absence/ séparation:
- Est-ce que les comportements augmentent en intensité/ fréquence sur la durée ?
- Est-ce qu’ils n’apparaissent que pendant les premières minutes puis disparaissent ?
- Est-ce qu’ils se maintiennent sur toute la durée/ via des cycles réguliers ?
- Est-ce qu’ils apparaissent dans tous les contextes ?
- Quel est le langage corporel du chien ?
Un chien ne sera jamais « ravi » que vous partiez sans lui. Ce moment leur demande de s’adapter et de se mettre en mode « attente calme »/ relaxation. Ce qui implique déjà certains pré-requis pour beaucoup de chiens. Le tout est de ne pas tomber dans les extrêmes. Tout n’est pas « pathologique », tout comme tout n’est pas « c’est un chien c’est normal. »
C’est normal si votre chien a des moments d’attente ou n’est pas profondément endormi toute l’absence. Ce n’est pas normal si il y a des signes de tension qui durent. Le principal est qu’il reste zen. C’est également normal si votre chien recherche votre proximité/ contact en votre présence, ce n’est pas forcément lié à la solitude !
Anaïs Dethou – spécialisée en anxiété de séparation
Références
Ainsworth, M., & Bell, S. (1970). Attachment, Exploration, and Separation Illustrated by the Behavior of One-Year-Olds in a Strange Situation. Child Development, 41, 49-67. – References – Scientific Research Publishing. [online]
Bowlby, J. (1958). Can I Leave My Baby? [online]
Parthasarathy, V. and Crowell-Davis, S.L. (2006). Relationship between attachment to owners and separation anxiety in pet dogs (Canis lupus familiaris). Journal of Veterinary Behavior, [online] 1(3), pp.109–120.
Payne, E., Bennett, P. and McGreevy, P. (2015). Current Perspectives on Attachment and Bonding in the Dog–human Dyad. Psychology Research and Behavior Management, [online] 8, p.71
Prato-Previde, E., Spiezio, C., Sabatini, F. and Custance, D.M. (2003). Is the dog-human relationship an attachment bond? An observational study using Ainsworth’s strange situation. Behaviour, 140(2), pp.225–254.
Serpell, J.A. (1996). Evidence for an association between pet behavior and owner attachment levels. Applied Animal Behaviour Science, 47(1-2), pp.49–60.
Sipple, N., Thielke, L., Smith, A., Vitale, K.R. and Udell, M.A.R. (2021). Intraspecific and Interspecific Attachment between Cohabitant Dogs and Human Caregivers. Integrative and Comparative Biology, 61(1), pp.132–139
Thielke, L.E. and Udell, M.A.R. (2015). The role of oxytocin in relationships between dogs and humans and potential applications for the treatment of separation anxiety in dogs. Biological Reviews, 92(1), pp.378–388.
Topál, J., Miklósi, Á., Csányi, V. and Dóka, A. (1998). Attachment behavior in dogs (Canis familiaris): A new application of Ainsworth’s (1969) Strange Situation Test. Journal of Comparative Psychology, 112(3), pp.219–229.
Udell, M.A.R., Brubaker, L., Thielke, L.E., Wanser, S.S.H., Rosenlicht, G. and Vitale, K.R. (2021). Dog–Human Attachment as an Aspect of Social Cognition: Evaluating the Secure Base Test. Comparative Cognition, pp.305–320.
Udell, M. and Brubaker, L. (2016). Are Dogs Social Generalists? Canine Social Cognition, Attachment, and the Dog-Human Bond. [online] Current Directions in Psychological Science.